Un bus, deux bus, t'abuse...

19 Février 2017 , Rédigé par Mathieu Zhallem Publié dans #Humeur et opinions, #Environnement, #Evènements, #Presse, #Satyrique, #politique, #Critique, #Insolite, #Médias

Un Bus peu fréquenté malgré un emplacement de choix en Centre Ville

Quelle surprise de buter sur un bus Europe 1 à double étage avec sa remorque, planté sur la place des Vosges jeudi dernier, diffusant dans un bruit de fond incertain le babillage incompréhensible de ses journalistes en direct de ses studios parisiens. Interrogation collective des riverains et des passants: pourquoi faire? "De l'ombre aux terrasses de bar" se hasarde un passant sollicité rapidement. Apparemment, c'est le "bus de la Présidentielle" qui va au contact des habitants de 40 villes en France. En réalité c'est plus un divertissement promotionnel qu'un véritable outil d'information ou de sondage.

Officiellement le bus accueille les électeurs qui souhaitent répondre aux sondages de la radio sur les élections présidentielles à venir ou qui veulent enregistrer des questions qui seront posées dans l'édition du soir de la chaine nationale. En contrepartie, un charmant trio d'hôtesses vous offre gracieusement une boisson chaude... Mais il faut auparavant prendre le risque de monter par des escaliers exigus au second étage, et d'y rester coincés! Car tout est conçu pour des personnes de petite taille, 1m60 sous plafond maximum, 60 cm de large. "C'est la résidence secondaire de Passe partout qui a été rachetée par la radio" rigole Jean-Marie qui y est monté par hasard. Sous prétexte de participer à un sondage basique ou un vidéo trottoir, de se faire tirer le portrait dans un photomaton agrémenté des logos de la radio nationale ou faire un selfie assis au bureau du futur président de la République, est ce que cette pollution visuelle était vraiment indispensable?

Catherine présidente d'une seconde

Un sondage pourri ou une autoglorification promotionnelle?

Montés à l'étage, c'est l'étonnement pour les participants au sondage. La tablette en support propose des questions affligeantes de nullité "qui doivent permettre aux journalistes de la chaine de connaitre les intentions de vote dans les 40 villes ou le bus passe..." . "Avez vous pris votre décision? Pour qui allez vous voter? Quand allez vous prendre votre décision..." . Si statistiquement ces interrogations pourraient être pertinentes sur un panel de milliers de personnes, pour deux cent personnes par ville ( la moyenne du nombre des visiteurs entre Nancy, Metz et Epinal) ce n'est pas certainement pas un sondage valable. Par ailleurs, ce sont manifestement des questions prématurées, les programmes de certains candidats n'étant même pas finalisés. En réalité le plus grand nombre des visiteurs viennent par curiosité et restent pour les boissons de l'agence évènementielle nancéienne Café Royal.

Les croisements sont difficiles dans ce bus

Un flop !

En réalité peu nombreux étaient les spinaliens qui posaient des questions vidéo aux analystes d'Europe 1 et aux candidats. Un élu s'est toutefois risqué à visiter les lieux, flatté qu'Epinal soit distinguée par la radio parmi les villes qui comptent dans le Grand Est... Le vide s'habille d'un rien. Les bibelots remis aux visiteurs en sortie ressemblaient étrangement à la verroterie remise aux autochtones africains du XVIIIème siècle en gage d'amitié élémentaire. Pathétique. N'est ce pas une nouvelle illustration du "médiatainment", contraction moderne pour désigner la bifurcation des masss-média d'information vers des divertissements populaires basiques et consensuels qui entretiennent la confusion dans les messages adressés au grand public? A défaut de faire le plein de sondés, la complaisance interjournalistique (ou la médiocrité consensuelle propre au milieu de la communication ) a joué à plein. Tous les supports de presse locaux ont parlé du fameux bus en reprenant parfois la communication mot pour mot des "story teller" de la radio... Pour n'en rien dire! Alors qu'il s'agit d'une pratique promotionnelle des plus critiquable. Sous prétexte de "sondages" politiques c'est à bon compte que l'on s'approprie une partie du territoire municipal et que l'on pollue visuellement notre centre ville. Resté sur les pavés de la place dans son fauteuil roulant, le blogueur Félix d'ActuHandy n'en revient pas: "Manifestement l 'opinion des personnes handicapés ne les intéresse pas puisqu'on ne peut y rentrer. Minorité invisible, on n'a pas le droit de se faire sonder ou de poser des questions sur une radio nationale? . C'est regrettable que cela se passe dans une ville qui investit autant pour les personnes à mobilité réduite".

Matthieu Zhallem